Publié dans The Blog Contest

Je te le promets, maman … #TBCS4E2


– Chéri, j’ai passé une très bonne soirée…

– Moi aussi, le restau était superbe…

–   Huuum…

–  Quoi ?

–  Tu es sûr que tu ne parles que de la bouffe ? je t’ai aperçu mater la serveuse.

– Hahaha, chérie, tu sais que je n’ai d’yeux que pour toi norr…je parlais seulement du ndolé oh!

–  Hum ! Tu as intérêt !

Approchant la rue du domicile de Laura, Steph ralentit, car dans ce quartier à cette heure avancée de la soirée, les moto-taxis sont réputées pour y faire des Paris-Dakar urbains nocturnes.  Justement, il manqua de heurter un de ces fans de Valentino Rossi qui, sans clignotants, prit un virage à 90° en toute vitesse… ce qui mit Steph hors de ses gonds.

– Regarde-moi le salaud là ! tu te crois où ici ? dans le désert du Sahara ? Espèce d’andouille va ! Tu crois que la vie c’est une partie de roulette russe ? tu installes ta vie sur ton porte-bagages et tu te comportes comme ça ? et j’ai failli l’écraser ! Mais merde !!!

–  Chéri, calme toi, ça va.

– Mais, tu n’as pas vu ça ? imagine que je l’avais heurté, qu’est ce qui serait arrivé ?

Vu le degré de colère de  Steph, Laura choisit de se taire, afin qu’il puisse retrouver ses esprits.  Une minute plus tard, la petite auto rouge s’immobilisa devant le portail de Laura. Le moteur se tut. Silence..

–  Euh Steph , j’ai quelque chose à te dire

–  Je t’écoute…

–  Non, ça va, on en reparlera plus tard.

– Orr, pas toi aussi. Je t’ai dit que je t’écoute !

– Ok…

– Mais alors ? ça vient ?

– Euh…voilà, je sais que tu partiras bientôt pour ta formation à Hambourg. Et on sera séparés pour les 4 prochains mois…j’aimerai te dire que…

– Aah (Steph, d’un ton attendri), t’en fais pas, toi aussi tu vas me manquer.

– Ecoute, ce que j’essaie de te dire, c’est que je m’attache sérieusement à toi.

– Ah !

Silence.

–  Laura, tu ne crois pas que tu t’emballes un peu trop vite là ?

–  Comment ça trop vite ? ça fait 2 mois que nous sommes ensemble.

– Justement…

– (Laura, l’air à la fois dépité et exaspéré) Ok, Merci de m’avoir raccompagné et merci pour le restau, je te souhaite de passer une bonne nuit.

. Elle ouvrit la portière, empoigna son sac et s’en alla.

– Mais… chérie, même pas un bisou ?

Laura se retourna vers lui, s’arrêta 2 secondes, et en guise de bisou, claqua la portière violemment, au risque de faire péter la vitre de la portière, ce qui laissa Stéphane pantois…

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Hambourg, par une journée hivernale. La tombée de neige de la nuit précédente fut si importante qu’il était impossible de mettre le nez dehors. De la fenêtre du petit meublé qu’il louait au 2e étage de son immeuble, Steph pouvait apercevoir les déblayeuses qui s’activaient . Tout ce spectacle givré et maculé  le rendait particulièrement triste, lui originaire de la ville de Kribi, première cité balnéaire du Cameroun, où il fait beau temps quasiment toute l’année.  Il était encore plus triste que depuis une semaine déjà il n’arrivait pas à discuter de manière fluide avec Laura, qui lui manquait cruellement.

Il prit une n-ième fois son téléphone pour consulter son whatsapp… bingo !!!  Laura était en ligne. Il l’appela… 3 sonneries…elle décroche :

–  Allô ?

–  Ouiiii mon amour, comment tu vas ?

– (Laura, d’un ton sec) Bien Stéphane, et toi ?

– Ça va…j’essaie de t’appeler depuis ce matin.

– Oui, écoute, là je suis au marché avec Maman, je t’appelle dès que je rentre, ok ? allez je te laisse, bisou.

– Mais…attend…Laura !

Elle avait déjà raccroché.

Fou de rage, il se mit à jurer et vociférer dans sa langue maternelle, faisant les cent pas dans sa chambre . Elle se prend pour qui ? Elle me fait ça à moi ? Moi Stéphane ? noon ! Celle qui me fera ça n’est pas encore née…  Au final, il s’allongea sur son lit, mit son casque et se mit à écouter du Koffi Olomidé. La Rumba fit son effet sur lui et eut raison de sa colère, tel un glaçon qui fondait au soleil… Deux mois qu’il avait déjà passé à Hambourg et il fallait qu’il se rende à l’évidence : il était amoureux de Laura.

C’est alors qu’il revit le film de cette soirée devant chez elle, deux semaines avant son départ. Il se sentait vraiment bête et con. Il se sentait encore plus idiot quand il se souvint que Laura avait fait le déplacement pour aller rencontrer sa mère là-bas à Grand Batanga, dans la zone rurale de Kribi: Maman Ernestine, son roc. Elle y passa trois jours, accompagnant Maman Ernestine partout. Elle, qui était sceptique quand Steph lui apprit qu’il était en couple avec une fille originaire de l’ouest  Cameroun. Elle lui avait même répété « Steph oh, je n’aime pas les Bamiléké, pardon, ce sont eux qui ont acheté tous les terrains de ton père… regarde, aujourd’hui nous n’avons que cette case ». Mais sur insistance de son fils, elle céda du terrain et en bonne chrétienne pratiquante , se mit à prier. Stéphane se souvint  de la joie et de la paix qu’il lut sur le visage de sa mère lorsqu’il vint la chercher. En l’embrassant, elle lui chuchota à l’oreille: « De toutes les filles que tu as connu, celle-ci est la meilleure. Mon fils, ne la lâche pas, rends là heureuse car elle te le rendra bien. faites-moi de beaux petit-fils. Je suis en paix, le Seigneur est au contrôle.). Promets moi que tu ne la feras jamais pleurer, promets le moi.

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Vector silhouette of people who are arguing on a white background.

Stéphane écrasa une larme. Maman Ernestine était une femme fort belle dans sa jeunesse lorsqu’elle épousa Stéphane Senior, un jeune cadre dans une usine de Douala. Ils se marièrent très vite, ils étaient heureux,  Stéphane junior vint au monde. Deux ans après, ce fut le tour de Annie, sa cadette. Puis l’usine ferma.  C’est ainsi que la petite famille se replia à Grand Batanga. Là bas, Stéphane Senior, pour passer ses journées, buvait du vin de palme en jouant au songo’o. Il tomba rapidement dans un alcoolisme chronique. Ce qui eut pour conséquence la vente de toutes les terres que lui avait laissé son père, la dilapidation de cet argent et…les bastonnades sur Maman Ernestine. Cela a duré une bonne quinzaine d’années, jusqu’à ce qu’un cancer du foie et du poumon ne l’emporte. Quinze années où la petite famille vécut le martyr. Pas même Arnaud le dernier qui naquit entre temps n’y échappa.  Il fut des années où Steph et ses frères commencèrent les cours deux mois après la rentrée scolaire, car les petites économies de Maman Ernestine avaient été volées par le Senior, pour de l’alcool ! Une fois, sous une pluie battante, il les avait expulsés de la maison… Arnaud n’avait alors que deux mois. Plusieurs fois il les roua tous les quatre de coups… Steph et ses frères malgré leurs excellents résultats scolaires étaient la risée de leurs petits camarades. Le Senior était réputé pour faire du grabuge dans tout le quartier, à dormir dans les caniveaux. Maman Ernestine a dû se séparer plusieurs fois de sa précieuse vaisselle pour éponger les dettes du Sieur Senior. Les coups ne s’arrêtèrent que lorsque le chef de famille tomba malade. il s’ensuivit une longue maladie d’un an et demi où les torturés se firent les soigneurs du tortionnaire. Un an et demi de souffrances…mais de solidarité en famille, où le Senior passa de longues journées à pleurer sur ses erreurs, implorant le pardon de son clan. Maman Ernestine, Stéphane, Annie et Arnaud lui pardonnèrent.  C’est dans cette sérénité et cette misère qu’il s’éteignit, entouré par les siens.

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Ce flash-back secoua Steph. Il reprit son téléphone…et pianota sur son clavier 4 mots :

Je t’aime Laura.

Aussitôt, son téléphone sonna .

–  Allô Laura?

–  Oui, mon chéri, Je t’aime, je t’aime je t’aimeuh!

–  Hahahaha, c’est pour cela que tu boudais ?

–  Tu ne crois pas que tu t’emballes trop vite là ?

– Ton silence m’a bien fait mal.

– Oublions ça mon chéri. Qu’est ce que tu as mangé ce matin ?

Ce jour là, à Kribi en demarrant sa petite auto, Stephane fit une promesse à sa mère : Je te promets, Maman, que je ne lèverai jamais la main sur elle…je donnerai mon tout pour que cela n’arrive jamais. Je te le promets maman.

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Cette fiction a été écrite dans le cadre des thèmes imposés du Blog Contest Forum Saison 4. Ce mois le thème est « violence de couples », que j’ai choisi de décliner en nouvelle…mon premier essai dans le genre :-D. Je suis curieux de connaitre vos avis , tout en vous recommandant de faire un tour sur les posts des autres challengers…vous ne le regretterez pas!

Auteur :

Entrepreneuriat, TIC, Pub, culture, digital, marketing & media, photographie amateur, Relations humaines... la valse de mon quotidien au rythme des mots. Welcome to my world

24 commentaires sur « Je te le promets, maman … #TBCS4E2 »

  1. En lisant, je me demandais quand est-ce qu’il allait poser la main sur Laura. J’étais tellement impatiente que je survolais les mots. Je ne m’attendais pas à ce que ce soit sa mère qui ait été victime des coups de son père.
    C’est bien écrit. En te relisant tu pourras rajouter les quelques accents et virgules qui manquent ici et là. Pour une première nouvelle, elle est bien écrite

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  2. Excellent Bro. J’ai aimé. Belle mise en scène sauf la fin qui est un peu confuse. L’aller-retour entre le passé et le présent n’est pas aisé. Mais très belle intrigue et la simplicité des textes et dialogues rend agréable la lecture.

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  3. Tu as réussi toi là à me mettre la salive dans la bouche hein mince su as du talent @Arsdy237 mince pardon je veux lire l’intégralité là. Pardon c’est trop hummmm et en plus ça me rappelle de nombreuses histoires similaires.

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  4. Belle fiction. Et puis j’aime bien la référence au village. J’aime encore plus la notion de pardon, bien que je ne sois pas toujours fan d’accepter la violence de couple. Comme je le dis dans mon article, violence e couple c’est véritablement entre hypocrisie et courage, et ici tu fais la part belle au courage. Merci.

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  5. C’est super entraînant. On tombe rapidement dans l’univers des personnages et on a presque l’impression d’entendre la portière de cette voiture claquer…et le froid glacial de l’occident faire frémir Stéphane…
    Bonne aventure…

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  6. Bravo ! Le style est original (fiction) pour aborder ce thème, et je suis très impressionné car la place est ainsi laissée à l’imaginaire du lecteur pour percevoir les déclinaisons de cette violence dans le récit : physique sur les uns (les parents), morale/psycho pour l’une et soi-même (Laura et Stéph). Les mots sont simples, le discours est clair, à mon avis. Vraiment original.

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  7. Belle histoire,
    Meme en 20XX et avec le TiC on a encore au 237 le pb de marriage entre tribus.
    La violence conjugale … en fait violence envers la femme dans 95% des cas … une plaie, une tarre pour l’épanouissement de la famille … des enfants … des conjoints … On y sort meurtri, traumatisé à vie … les coups cicatrisent les blessures psychologiques là c’est une autre affaire … Combien de jeune homme ayant vécu cela ne le reproduise pas à leur tour malgré la promesse?

    Bravo Arsdy

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    1. Merci Isabelle…Hélas comme tu le dis , beaucoup de jeunes hommes ne tiennent pas ces promesses faites à leurs mamans, ou à eux-même. Y tenir au final est une bataille de tous les jours, à moins de renouveller sa pensée radicalement. Encore merci pour l’intérêt à l’article 🙂

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  8. Wow! Que de frissons… j’ai aimé. Comment dire… on est comme projeté dans toutes les scènes décrites. J’aime la légèreté de l’écriture qui permet de comprendre la complexité des sentiments, ressentis… Concision et précision, et surtout cette manie de tenir le lecteur en haleine! On veut vite savoir, mais tellement on prend plaisir à lire, qu’on garde patience. Juste les petites coquilles, qui, si elles sont évacuées, on aura un rendu impeccable! Se relire et de faire lire serait pas mal.
    Sinon, très belle plûme! Vraiment, Chapeau!

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    1. Merci Annick, je suis flatté du compliment. Je viens de relire, effectivement il y’avait quelques coquilles que j’espère avoir totalement corrigées. Encore merci et à bientôt 😉

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